À Propos |
Trois ans après les éruptions flamboyantes de Billy the Kid, c'est cette fois dans les tréfonds du volcan que nous invite Kat Onoma. Le luminisme a cédé la place au ténébrisme, mais attention, un ténébrisme incandescent : Far from the pictures est un disque tellurique, gorgé à ras bord de lave en fusion, une caverne crépitant de mille lueurs. Cet opus est le plus ouvertement rock de la discographie du groupe, les guitares sales et plaintives s'y taillant la part du lion au détriment des cuivres, notamment de la trompette de « Bix » qui se fait plutôt discrète. Plomb et plume à la fois, ce disque dégage une époustouflante cohérence malgré la coexistence de chansons dures et de ballades plombées, ainsi qu'une grande impression de contiguïté, de tassement des chairs, de pression rarement relâchée…
Dès l'ouverture martiale d'«Artificial Life », nous voilà prévenus : voilà un album à très haut voltage, malgré de brefs intermèdes entre les combats ou l'humour fantaisiste d'un « Bingo » à la rythmique country-funk déglinguée. Un souffle épique anime certaines chansons (« Le Déluge », « John and Mary », « Missing Shadow Blues »). L'épique selon Kat Onoma ? Une emphase réfrénée, une ardeur belliqueuse dérivée, une raideur qui s'assouplit, bref, un cheval fougueux sévèrement maintenu en bride…
Mais cet album ne serait pas aussi somptueux sans deux superbes ballades, les deux perles rayonnant au cœur du volcan. « La Chambre », d'abord. Tel un peintre chinois, le groupe trace la mélodie d'un trait aussi plein que léger, sans oublier de dessiner le vide et le silence tout autour. Rarement le minimalisme et l'ambiguïté auront fait aussi bon ménage, donnant naissance à un modèle de chanson intimiste, chanson d'automne en apesanteur entre la douceur et un érotisme voilé, abstrait. Le phrasé mi-parlé mi-chanté de Rodolphe Burger magnifie cette déambulation intérieure s'achevant avec les soupirs mélancoliques de la trompette… « A Birthday », ensuite, sur un texte du poète Robert Creeley : on y trouve Kat Onoma au sommet de son art d'orfèvrerie, capable comme personne de mêler tristesse plombante et douceur céleste, de brasser mélancolie et réconfort pour dérouler une électrique et envoûtante tapisserie musicale…
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Crédit |
Chant, guitares, banjo, harmonium, wurlitzer : Rodolphe Burger
Guitares, saxophone : Philippe Lamiral Poirier
Trompette, fluegelhorn : Guy Bix Bickel
Basse : Pierre Keyline
Batterie, percussions, chant : Pascal Benoit
Chant (sur « John and Mary ») : Rebecca Pauly
Produit par Djoum et Kat Onoma (ICP, Bruxelles)
Pré-production : Luc Tytgat & Joël Theux
Mastering : Alain Morand (Dyam, Paris)
Cutting : Raphaël (Dyam, Paris)
℗ & © 1995 Dernière Bande Production Distribution EMI France
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